Le « Lâcher prise », une découverte de l’inattendu ?


S’il est bien une chose dont on entend parler partout, et peut-être plus encore en ces temps particuliers où le confinement nous pousse à puiser en nous des ressources parfois laissées de côté, c’est ce « fameux » lâcher prise. De son utilisation au sens large dans le langage courant, à sa dimension « pratico-pratique » tant recherchée dans nombre de pratiques de bien-être, cette notion (ce concept ?… ce principe ?…) de « lâcher-prise » est aussi régulièrement évoquée lors de consultations en cabinet.

Les deux expressions que j’ai souvent entendues de mes consultants à ce propos dans le cadre professionnel étant « J’essaie de lâcher-prise mais je n’y arrive pas ! » et « Il faudrait que je lâche prise mais je ne sais pas comment faire ?« . Par extension, cela renvoi finalement à une seule et même question : Qu’est-ce que le lâcher-prise ? Car comment appréhender ce lâcher-prise si l’on ne sait pas vraiment saisir en substance ce qu’il est ?

Le simple fait de réfléchir à cela m’a moi-même amené à (re)considérer ma vision du lâcher-prise…

Agir ou ne rien faire ? Activité ou Action ?

Si l’on s’en réfère aux définitions basiques, voici ce que l’on peut lire sur le lâcher-prise :

  • Moyen de libération psychologique consistant à se détacher du désir de maîtrise. (Larousse)
  • Cesser de tenir, laisser tomber. (Enclopédia Universalis)

On pourrait dire que l’une s’avère précisément vague (cesser de tenir quoi ?) là où l’autre est vaguement précise (libération de quoi ?).

Car en réalité cela est propre à chacun ! De fait, difficile de définir le « lâcher-prise » de façon aussi succincte… Le lâcher-prise semble donc être quelque chose qui est à la fois simple et complexe… Notons surtout que dans tous les cas, il n’est pas question de passivité, mais bien d’une action : l’action de se détacher, de laisser tomber ce qui nous empêche d’aller bien. Soit ! Mais si le lâcher-prise était si évident dans la conscience de chacun, personne n’aurait de mal à le trouver…

L’Action. Là est peut-être un balbutiement de réponse, une des clés pour comprendre. Car si l’on peut trouver l’Action dans l’Activité, l’Action n’est pas l’Activité ! L’Activité est anticipée, réfléchie, planifiée. C’est un échappatoire, un moyen d’oublier pendant un laps de temps ses angoisses, ses anxiétés, ses peurs, son besoin de contrôle. L’Action quand à elle est immédiate, non-réfléchie, elle répond à une situation précise dans le présent, dans l’espace de l’instant.

Et d’une certaine manière, l’action permet de s’affranchir de l’activité et ouvre la voix vers le lâcher-prise. C’est là le principe (et le but) de l’Observation. C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve dans les paroles d’Osho(1) :

On ne peut pas jeter, car jeter est en soi une activité. […] Lâchez les choses, [les pensées] ne les jetez pas. laissez l’activité disparaître, ne la forcez pas à disparaître. Parce que la tentative de la faire disparaître est encore une activité sous une autre forme. Observez, soyez conscient. […] Quand une chose disparait d’elle même, elle ne laisse aucune trace sur vous. Si vous la forcez à disparaitre, alors elle laissera une trace.

Voilà peut-être ici un des fondamentaux pour se rapprocher du lâcher-prise…

Alors qu’est-ce que le lâcher-prise ?

Dans cette recherche de compréhension au delà d’une définition, je me suis tourné vers différents auteurs, et entre autre Eckhart Tolle(2) qui définit le lâcher-prise ainsi :

Lâcher-prise, c’est s’abandonner à cet instant, et non à une histoire au moyen de laquelle vous interprétez ce dernier pour ensuite tenter de vous y résigner. […] D’une certaine manière, le lâcher-prise est la transition intérieure de la résistance à l’acceptation. […] Lorsque vous lâchez-prise, votre sentiment personnel cesse de s’identifier à une réaction ou à un jugement mental, pour passer à l’espace qui entour cette réaction.

Ce qui est intéressant de souligner ici, ce sont les notions d’acceptation et de temporalité, et plus encore de la conscience spacieuse de l’instant présent. Le lâcher-prise ne peut être que dans l’instant présent et l’acceptation de ce qui est !

Une autre définition du lâcher-prise qui mérite une attention particulière, c’est celle d’Alain Héril(3) dans son ouvrage sur l’Orgasme thérapeutique :

[A propos de la dimension psychologique de l’orgasme] Le lâcher-prise est la dimension la plus évidente tant il ne peut y avoir d’orgasme que dans une perte de contrôle. Que veut dire lâcher prise ? C’est la sensation que quelque chose en soi cesse de tenir et retenir des émotions et des affects pour laisser la place à de l’inattendu. […] C’est un envahissement de la sphère corporelle, sensitive et sensorielle, déconnecté du mental pendant quelques instants.

En effet, quelle meilleure expérience de lâcher prise que celle qui survient au moment de l’orgasme ? On retiendra ici qu’en plus du rappel à la temporalité avec la « vivance » de l’instant présent, il y a la notion de corporalité directement liée à l’émotionnel, qui ensemble déconnectent du mental. De même que c’est « quelque chose en soi » qui lâche, qui cesse de tenir, au moment de cette déconnexion. Autrement dit, une part (inconsciente ?) de la conscience qui entre dans l’Action !

Pour finir, j’ai bien entendu posé cette question « Qu’est-ce que le lâcher prise ? » à de nombreuses personnes, consultants, amis, …, et je vous livre ici le témoignage de Mélody, 40 ans, qui sans le savoir résume en partie, avec authenticité et simplicité, toutes ces idées explorées :

Pour moi, le lâcher prise, c’est la capacité à pouvoir faire le vide, se détacher du passé, éviter toute projection dans le futur et pouvoir être pleinement dans le présent en communion avec sa respiration et son corps, en acceptant tous les ressentis et émotions sans jugement ni analyse…

Finalement, ne rien attendre pour découvrir l’inattendu…

Observer et accepter ce qui est dans l’espace de l’instant présent, se mettre en communion avec ce qui Est dans cet espace de soi, du Tout et du Rien. Dès lors, le lâcher prise devient à la fois une Action et un état, dont on peut appréhender consciemment l’idée globale, mais qui ne fait sens qu’en le vivant

Au fond, n’est-ce pas là une quête de liberté ? La liberté de chacun de découvrir Son Inattendu…

Je vous laisse méditer sur cet extrait du Tao Te King de Lao Tseu(4) :

Le Tao est comme un soufflet : il est vide mais infiniment capable. Plus tu l’utilises, plus il est fécond; Plus tu en parles, moins tu le comprends. Reste ancré au centre…

Sources :
(1) : Osho (Acharya Rajneesh), mystique contemporain de la spiritalité, du Tantra et du yoga – Créativité (Almasta Editions – 09/2006)

(2) : Eckhart Tolle, écrivain et conférencier – L’art du calme intérieur (J’ai lu – 10/2011)

(3) : Alain Héril, Psychanalyste, sexothérapeute, auteur et formateur – L’orgasme thérapeutique (Grancher – 03/2020)

(4) : Lao Tseu, sage chinois contemporain de Confucius. Père fondateur du taoïsme – Tao Te King